Ces 13 et 14 décembre derniers, Musées et Sociétés en Wallonie (MSW) organisait le colloque Les musées wallons du XXIe siècle à l’occasion de ses vingt ans d’existence. Cet anniversaire était donc l’occasion de regarder vers l’avenir et de se poser des questions relatives au devenir des musées wallons à travers les interventions variées mettant en exergue tant les évolutions du cadre institutionnel, que l’expérience des acteurs de terrain, y compris sur la scène internationale.
Le secteur muséal étant en pleine évolution, et même en révolution, il nécessite une adaptation de la part de chaque institution. La réponse de chacun dépendant de ses moyens matériels, humains et de ses spécificités, de ses publics… Ce colloque était l’occasion de proposer des outils de réflexion aux professionnels du secteur pour orienter leur créativité, leur ouverture et leur intégration à la société.
La première journée était entièrement consacrée à des interventions académiques, entrecoupées par un temps de rencontre et d’échange entre les participants, autour d’un buffet.
Après un mot d’introduction, les trois premiers orateurs se sont succédé à la tribune pendant la matinée. André Gob, président du Conseil des Musées de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a présenté un bilan de l’activité de cette institution dont il fait partie depuis sa création en 2007. Le Conseil avait été mis sur pied dans le cadre de l’application du décret sur la reconnaissance et le financement des musées, mais n’a pas de pouvoir décisionnel concernant les budgets alloués aux musées (qui dépendent totalement du pouvoir politique). Son rôle est celui de conseiller et d’évaluateur.
François Mairesse, professeur à l’université Paris-Sorbonne, a abordé la question d’une nouvelle définition du musée proposée par l’ICOM. En effet, l’institution fournit un cadre commun pour les musées du monde et ce milieu étant en constante évolution, l’organisation doit adapter sa définition du musée, qui constitue la base sur laquelle elle mène son action de valorisation du patrimoine et des collections muséales. La dernière mise à jour de sa définition du musée date de 2007 et elle peine à refléter la complexité des musées du XXIe siècle. L’ICOM travaille donc sur une nouvelle version, qui devrait être présentée en septembre 2019, lors de son assemblée générale qui se tiendra à Kyoto.
Serge Chaumier, professeur à l’université d’Artois (Arras), a traité du développement durable du musée et de son inclusion sociétale et citoyenne. Une vision pessimiste a caractérisé son intervention, qui voulait néanmoins ouvrir de nouvelles pistes en encourageant les musées à s’engager plus dans la société.
L’après-midi, la séance a repris avec la présentation de Jacques Ayer, directeur du musée d’Histoire naturelle de Genève, abordant le modèle muséal suisse et le rôle des museums (et en particulier celui de Genève, qui fêtera son bicentenaire en 2020) au XXIe siècle. Le museum de Genève est un musée municipal dont les collections ont une dimension nationale. Après une sorte d’audit interne de son institution, Jacques Ayer a défini un plan stratégique déterminant sept axes qui devaient évoluer (par exemple, dans l’exposition, revitaliser les galeries permanentes) pour atteindre ses objectifs. Cette nouvelle vision lui a permis de mener une politique d’expositions temporaires d’envergure, d’augmenter la fréquentation annuelle de 30 % ou encore d’accueillir un grand congrès européen de médiation scientifique. Il a terminé son intervention en énumérant quelques grands enjeux auxquels les musées doivent faire face actuellement, comme par exemple la lutte contre l’obscurantisme, encourager le développement de plate-formes d’échanges et de communication scientifique dans le cadre du développement et de l’étude des collections, relever le défi du numérique en l’intégrant de manière subtile et complémentaire aux collections, développer un esprit d’entreprise culturelle et une ouverture proactive vers des collaborations et des partenariats.
Joël Roucloux (université catholique de Louvain) a pris le relais pour parler de la régionalisation éventuelle des musées wallons. Il s’est notamment interrogé sur le rôle que devrait être celui des pouvoirs publics dans la régularisation de la concurrence entre musées, la professionnalisation du secteur, etc.
Nathalie Nyst (direction du Patrimoine, Fédération Wallonie-Bruxelles) a, quant à elle, abordé la situation actuelle des musées francophones, qui étaient au nombre de septante musées reconnus au 1er janvier 2018, ainsi que six musées subventionnés hors décret. Elle a notamment mis l’accent sur l’émergence des pôles muséaux et le projet de modification du décret pour la reconnaissance de ces pôles selon des statuts identiques à ceux des musées (création, mise en conformité, reconnaissance selon plusieurs catégories).
Le dernier intervenant était Pierre-Yves Lochon, fondateur-coordinateur du Club Innovation & Culture (CLIC France) et directeur associé de Sinapses Conseil. Il a abordé la question des stratégies d’innovation pour les musées face à la révolution numérique. Le numérique oblige les musées à réinventer l’expérience du visiteur, parce que de nouveaux comportements sont apparus chez ces derniers en lien avec les nouvelles technologies. L’orateur a proposé des pistes mises en œuvre dans différents musées à travers le monde pour impliquer le public, sans toujours avoir recours au numérique. Et quand les technologies sont utilisées, elles doivent constituer un moyen pour atteindre un objectif, la réinvention du musée, et non une fin en soi. Dans tous les cas, il est important de replacer l’humain dans la démarche.
La matinée de la seconde journée était consacrée à un workshop, puis une assemblée générale extraordinaire d’MSW s’est tenue en début d’après-midi, avant trois nouvelles interventions: Karlin Berghmans (conservatrice du Mudia), qui a présenté la nouvelle médiation mise en place par Mudia; Pauline Bovy (Ville de Liège), venue exposer le branding muséal Boverie-Louvre; et Julie Van der Heyden (directrice de la coopérative museumPASSmusées).
Carine Mahy