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NAM-IP Infos 2019/1 – Recherche
Demain la Chine

 

Depuis le best-seller d’Alain Peyrefitte Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera (Fayard, 1973), la transformation effective d’une Chine endormie par l’opium, puis par une tentative de colonialisme occidental, est une réalité surgie des secousses d’une «longue marche» qui mène d’un communisme primaire à un collectivisme capitaliste résolument et autoritairement futuriste.

Avec plus de 200 millions de cameras de surveillance qui observent et surveillent les faits et gestes de tous les citoyens chinois et leur attribue une cotation de civisme de plus en plus indispensable pour le développement de leurs projets de vie, on n’est pas très loin du Big Brother inventé par George Orwell dans son roman 1984 paru à Londres en 1949.

Et voici que le Courrier International n°1466 (6-12 décembre 2018, pp. 51-53) publie la traduction d’une interview de Lee Kai-Fu réalisée le 21 septembre 2018 pour le magazine en ligne du site créé par Ari Stein en 2015 52Insights (Londres).

Lee Kai-Fu, expert en Intelligence Artificielle (IA ou AI) a été formé aux États-Unis. Il a tenté, avec Google, mais sans succès, d’introduire Google en Chine en 2009. Puis, il a introduit en Chine (où il vit désormais), l’investissement à risque et créé, sur cette base, son propre consortium dont le site de microblogging Weibo compte déjà plus de 50 millions d’abonnés.

Il vient d’écrire un livre intitulé AI Superpowers (Les super-pouvoirs de l’Intelligence Artificielle) dans lequel il montre que les réalisations chinoises en AI dépasseront bientôt celles de la Silicon Valley aux États-Unis.

Il ne croit pas qu’il s’agit d’une guerre commerciale, car les marchés respectifs sont suffisamment étendus pour éviter les conflits et les réalisation chinoises sont assez différentes des réalisations américaines. Les méthodes également sont différentes: pour les chinois, c’est le résultat qui compte, peu importe les moyens pour y parvenir. Cette dernière perspective fait un peu froid dans le dos quand on songe aux enjeux éthiques qui se trouvent, notamment, derrière les manipulations possibles de génomes humains par des programmes d’Intelligence Artificielle!

Lee Kai-Fu est à peu près sûr que plus de 50 % des emplois actuels seront remplacés par des solutions d’intelligence artificielle dans le courant du siècle actuel. Il conseille donc que l’humanité se concentre sur ce qui n’est pas robotisable en privilégiant la créativité et la compassion. La première est indispensable pour les métiers de demain et pour garder le contrôle de l’intelligence artificielle. La seconde est indispensable pour porter les aspects plus faibles de l’humanité : métiers axés sur les relations humaines (soignants, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, etc). Les investissements des gouvernements, au-delà de la recherche en AI, devraient se focaliser sur ces types de métier:

«L’intelligence artificielle peut servir de moteur analytique pour que les humains se concentrent sur ce qu’ils font le mieux: prendre soin de leurs semblables. C’est probablement le seul secteur assez large pour absorber la migration des emplois. Au cours des quinze à vingt-cinq années prochaines, des secteurs comme l’entrepreneuriat social, l’investissement d’impact ou le bénévolat prendront une grand importance»

conclut Lee Kai-Fu.

Qu’on en prenne de la graine chez les «humanistes» de chez nous!!

R.-Ferdinand Poswick