Journées des Archives de Louvain-la-Neuve (23-24 avril 2015)
Archivistes de 2030
Les 23 et 24 avril dernier se déroulaient les 15e Journées des Archives organisées par l'Université catholique de Louvain (UCL). Le NAM-IP a l’intention d'avoir dans son bâtiment un véritable centre d'archives regroupant des documents liés à l’informatique pionnière.
Personnellement, venant de la muséologie, je connaissais peu le monde de l'archivistique, il me fallait comprendre tout ce qui distingue un centre d'archives d'un musée : c'était le but de ma participation à ces journées.
Mon a priori était: un musée, un centre d'archives, ça se ressemble assez fort dès lors que «tout bon» musée possède en son sein un centre d'archives (de taille très variable, il faut bien l'avouer). Un musée a, suivant André Gob et Noémie Drouguet, quatre fonctions. Une fonction de conservation pour laquelle le musée se doit de conserver le patrimoine matériel et immatériel de l'humanité. Une fonction scientifique: le musée fait des études et promeut les recherches sur les sujets qu'il aborde. Et les fonctions d'exposition et d'animation qui regroupent les expositions permanentes et temporaires, les visites guidées, les colloques, les événements en tous genres qui intègrent le musée dans le village, la ville, le pays dans lequel il évolue. Ces dernières fonctions de communication permettent également de transmettre les connaissances aux publics.
Un centre d'archives, suivant le décret relatif aux centres d'archives privées en Communauté française de Belgique du 12/05/2004, doit «Recueillir, classer, inventorier et assurer la conservation physique des archives…», «rendre ces archives accessibles au public dans le respect des conventions de don, de dépôt et de gestion qui les concernent et dans les délais légaux de protection de la vie privée des personnes.»
On retrouve ici, les notions de conservation, d'étude et d'exposition du musée. Par cela, on aurait pu dire qu'un centre d’archives est un musée avec des particularités au même titre qu'un centre d’interprétation est un musée. Cependant, lors de ces journées, j'ai pu constater qu'un grand nombre d'archivistes n'étaient pas de cet avis et se séparaient assez farouchement des musées. Dans ce rejet, je percevais la peur de faire d'un centre d'archives un tas de documents, organisés de façon aléatoire et sans professionnalisme. Pourtant, rien n’empêche un archiviste de travailler dans un centre d’archives inséré dans un musée! Au même titre qu'un archéologue ou un historien de l'art va travailler à l'analyse d'autres artefacts. Une autre question me venait alors en tête: si les archivistes ont le monopole des documents papiers, que fait-on des documents papiers présents dans les collections muséales et qui sont gérés par des personnes n'étant pas des archivistes? De même pourquoi un archiviste ne pourrait-il pas gérer des objets conservés dans les collections de centres d'archives?
Les journées des archives m'ont permis de mieux comprendre l'étendue et les spécificités du monde des centres d'archives et de distinguer ce monde de celui du musée, car ce sont deux institutions complètes et différentes. Si le musée veut faire évoluer la société par ses expositions, le centre d'archives, lui, peut prendre une part directe à la gestion de la société en fournissant aux décideurs les données institutionnelles sur lesquelles ils peuvent travailler. Le NAM-IP devra donc travailler sur deux types de fonctionnements différents vers un objectif commun: la préservation du patrimoine informatique pionnier et sa diffusion au public tant sous forme d'objets que sous forme de documentations liées à l'histoire de ce patrimoine.
La question de la formation que doit avoir un archiviste a longuement été débattue lors de ces journées. Cette question est assez semblable à celle que l'on s'est posée dans les musées. L’archiviste doit-il tout connaître en gestion des archives, en conservation, en droit, en informatique, en médiation culturelle, en communication des résultats? Et cela pour tous les types d'archives possibles (d'entreprise, privée, d'état,…), ou doit-il évoluer vers un nouveau profil, en continuant le parallèle avec le monde muséal, comme le muséologue l'est pour le musée? Avoir des connaissances générales en archivistiques et savoir gérer une équipe de spécialistes. Les fondamentaux de l'archivistique ne doivent pas être négligés, mais il faut y ajouter de nouvelles compétences. Comme l'a dit Freddy Van Hove[1] «Archivistes: vous avez besoin d'une mise à jour». Ceci n'est sûrement pas réservé aux archivistes.
Un autre axe important des Journées des Archives a été la question du numérique. Bien que cette question ne soit pas une idée futuriste (la thématique des journées était «les archivistes en 2030»), mais un fait bien présent dans le quotidien, il faut en permanence s'y adapter. Comme l'a si bien dit Frédéric Sardet[2], «le numérique est comme un Chokotoff: un bonbon suave sur lequel on se casse les dents». Il faut s'y adapter sur deux pôles, celui des données à traiter (site web, e-mails…) et celui de la manière de les traiter (numérisation, SGBDR, mise en ligne…). L'archiviste doit-il être informaticien pour pouvoir être compétent? Pas nécessairement, mais il doit savoir dialoguer avec les informaticiens. Avec un bon dialogue, ce dernier comprendra les besoins de l’archiviste et pourra (… ou non) y répondre. L'archiviste devra tout de même savoir utiliser l'application dédiée à la gestion, de même qu'il devra pouvoir travailler sur les méta-données des documents. Les archivistes travaillent avec l'informatique quotidiennement mais l'informatique est également en mouvement permanent.
Un événement a retenu l’attention: l'hackathon. Trois jours de programmation informatique collaborative traitant des archives afin d'en dégager des mises en relation intéressantes. Dans les musées, on retrouve également ce type de collaboration: les «Museomix», pendant 3 jours, des inconnus vont se rassembler afin de remixer un musée.
En conclusion des Journées des Archives, Paul Servais a mis l’accent sur ces quelques réflexions: «Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain»: le monde numérique interpelle, mais il n'est pas l'ensemble du monde des archives, l’archiviste doit être «mis à jour», mais ne doit pas oublier les documents papiers et autres qui restent à étudier. L'archiviste doit sortir de sa zone de confort: il doit prendre des risques pour apprendre, aller vers d'autres compétences. Il y a un besoin de coopérer avec les autres métiers et formations. La question de l'enseignement a beaucoup interpellé également, avoir envie de devenir archiviste: ce n'est pas toujours naturel. Il faut parfois commencer par d'autres filières pour découvrir cette discipline. Il y a une omniprésence du changement: il faut avoir la capacité à s'adapter aux nouvelles technologies et aux diverses sources d’archives.
Pour ma part, j'ai eu l'occasion de découvrir les différentes facettes de l'archivistique. J'ai remis en question mon a priori et je peux mieux comprendre les différences entre musée et centre d'archives. J'ai hâte de relever le défi qu'est la création un centre d'archives au sein du NAM-IP.
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[1] Freddy van Hove, «L'archiviste… un acteur de transition?» conférence lors des 15e Journées des Archives organisées par l'Université catholique de Louvain (UCL), le 23 avril 2015.
[2] Frédéric Sardet, conclusion des 15e Journées des Archives organisées par l'Université catholique de Louvain (UCL), le 24 avril 2015.
Clara Erpicum