En visitant différents musées de l'informatique en Europe et aux États-Unis alors que mûrissait et se concrétisait la création du Computer Museum NAM-IP, bien souvent nous nous sommes posés la question des moyens nécessaires pour une telle réalisation et pour qu'elle devienne une attraction vivante jouant à plein son rôle pédagogique par rapport à l'évolution de nos sociétés numérisées.
La toute première forme de nos estimations financières pour une telle réalisation se présentait comme un défi aux investisseurs et sponsors éventuels en faveur d'un tel projet. Elle utilisait le slogan: «Il faut trouver 1.000 m² et 1 million d'Euros»! Ni la surface, ni le montant n'étaient avancés au hasard. La surface représentait à peu près l'addition des surfaces alors connues du déploiement des 4 Collections qui se réunissaient pour créer le musée. Quant à l'évaluation financière, elle était décalquée sur les coûts engagés pour la création d'un très joli musée qui allait renfermer sur 600 m² la collection de sculptures d'un ami en Bretagne (restauration et compléments d'aménagements dans une ancienne école, scénographie, éclairage, etc).
Et nous partions de zéro, tant pour la surface que pour la finance!
Lorsque nous sommes venus avec ce slogan vers des consultants universitaires, la réaction a été immédiate: vous n'êtes pas raisonnables, un projet comme cela suppose que vous ayez 3 millions d'Euros en main avant de commencer quoi que ce soit!… au mieux, acceptez de mettre vos Collections dans des greniers ou des caves d'où on pourra tirer une pièce ou l'autre pour animer des expositions dans les lieux d'un projet d'incubateur de start-ups qui, lui, sera financé par les millions d'un projet FEDER!
Voies en «cul-de-sac» (N.B.: en anglais dans le texte!)!
Nous sommes alors retournés vers la Fondation Roi Baudouin. Car, finalement, toutes ces traces de l'informatisation en Belgique ne sont-elles pas les traces d'une mutation culturelle telle qu'elle méritera de plus en plus l'attention de tous ceux qui veulent préserver les patrimoines de notre humanité? Le déclic fut au rendez-vous sous forme de création d'un Fonds «Informatique Pionnière en Belgique – Baanbrekende Informatica in België» au sein de cette Fondation, et, à travers ce Fonds, d'un appel à contribution. La réponse ne fut pas gigantesque, mais elle fut significative; elle a permis à la Fondation Roi Baudouin d'investir dans une perspective à 30 ans: achat, restauration et aménagement d'un immobilier capable d'abriter des Collections en péril et de les y mettre en valeur pour faire comprendre les racines de la culture «numérique»!
Entre temps, nous avions eu des informations de première main sur la création d'autres musées de l'informatique: «Le» musée de référence de Mountain View en Calfornie dont les collections avaient attendu des années dans des hangars avant de pouvoir utiliser le capital amassé (plus de 100 millions d'US$) pour acheter du terrain et construire un lieu d'exposition dont la première avait également bénéficié de 10 millions de donations personnelles de Mr Bill Gates.
La partie «parc d'attraction» de l'ensemble du site de Bletchley Park au Nord de Londres (à ne pas confondre avec le National Computing Museum voisin et plus modeste) a bénéficié de plus d'un million de Livres sterling venant de la Loterie nationale anglaise pour sa rénovation très «bling-bling».
Le musée d'Hoyerswerda (un peu au Sud de Berlin) qui se construit à la mémoire du créateur du premier ordinateur, Konrad Zuse, aura coûté plus de 2,5 millions d'Euros.
Et voici que la Reine d'Angleterre vient d'inaugurer, en cette fin d'octobre 2016 - ils ne nous l'avaient pas dit ces petits cachotiers d'Anglais! -, la première grande salle muséale sur l'informatique dans le cadre du Science Museum de Londres où l'on pouvait déjà voir la reconstitution des machines de Babbage, et cela pour une surface entièrement neuve et reconstruite de 2.600 m²: une réalisation qui a coûté plus de 17 millions d'Euros!!
Nous ne pensons pas que le bilan financier total de l'investissement réalisé entre avril 2013 et octobre 2016 pour la création du Computer Museum NAM-IP atteindra le demi million d'Euros. Les promoteurs ont tout fait pour que cette réalisation se fasse aux coûts les plus bas et dans l'esprit d'un lieu de «récupérations»: containers maritimes recyclés dans un hall omnisports à peine transformé, panneaux, peintures, scénographie réalisés par les collectionneurs et leurs proches, etc…!!
Ces TIC (technologies de l'information et de la communication) qui brassent aujourd'hui tous les échanges et le labeur de la planète sont appelées, ici, dans notre Computer Museum de Namur, à reconnaître l'humilité de leur origine: tas de ferraille ou de plastique. Mais leur beauté, aujourd'hui et de plus en plus, est comparable à celle de n'importe quelle œuvre d'art; elle vient de l'âme qui les a conçu et animé et qui encore aujourd'hui les fait parler avec la possibilité d'élargir notre conscience d'humanité !
R.-Ferdinand Poswick,
Administrateur-délégué