Chers fondateurs du NAM-IP,
Chers amis du NAM-IP,
Arrivant en ces lieux étranges pour un musée, carcasse de fer et container du même métal, je me disais: quelle étrange idée qu’un musée de l’informatique! Comment trouver en ces machines sorties d’un film de science-fiction poésie et beauté ? Je sais: la poésie des claviers, des mémoires et des programmes peut faire rêver certains d’entre nous mais quand même, me disais-je: un ordinateur ce n’est pas un tableau de Rops. Je suis entré et en définitive me suis interrogé: ce musée n’est-il pas au sens propre du terme le prototype même du musée?
Un musée, nous dit Wikipedia, est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation». De fait cette carcasse de fer, bombée, l'ancienne salle de gymnastique d’un collège, n’abrite-t-elle pas ce qui, depuis un siècle ou à peu près, constitue la mémoire des ‘artefacts’ de l’intelligence humaine les plus audacieux puisqu’ils ont représentés la progressive imitation de cette intelligence humaine? Ce qui aujourd’hui a envahi nos salles d’entreprise et d’administration, ces monstres de calcul, et progressivement nos tables de travail, et, aujourd’hui, nos maisons, notre environnement, nos voitures, nos poches, demain nos corps… est là devant nous! Nous sommes ébahis des premiers pas de l’homme dans la conquête de la représentation du raisonnement, les lignes de langage alignées sur de longs rouleaux, les cartes perforées, les disques immenses susceptibles de révéler leurs contenus secrets au terme de manipulations compliquées.
C’est bien un patrimoine tant matériel qu’immatériel qui nous est transmis et nous sommes ébahis par ces premiers pas de l’homme dans la conquête de l’intelligence humaine. Ceci n’est pas un musée dirait Magritte. Merci donc à ceux qui ont eu cette audace de rassembler les traces de ces premiers pas et d’associer l’Université de Namur et en particulier sa Faculté d’informatique pour les aider à se souvenir du passé, à retracer les progrès et erreurs qui ont pu jalonner celui-ci pour mieux comprendre le présent et imaginer le futur. Merci de nous le conter et d’inviter ainsi au souvenir et à la connaissance d’une science en devenir. Merci de nous montrer par exemple sur quelle machine, une machine à calculer certes un peu sophistiquée, Mgr Georges Lemaître a pu concevoir l’idée du Big Bang, ou encore cette fameuse machine d’Hollerith, ancêtre des outils de la statistique moderne!
Cette évocation du passé nous renvoie à notre propre histoire: quelle relation, notre Université a-t-elle pu entretenir avec cette science. Cette relation a commencé par un pari, celui de mes prédécesseurs: les R.P. Camille Joset et Jacques Denis et d’un homme, mon collègue et ami: François Bodart, qui en 1968 se voit chargé de créer une Faculté pour une science dont, à l’époque, le nom était largement inconnu du public. En 1970, se crée une des premières Facultés d’informatique au monde, la première, me suis-je laissé dire en Europe. Le pari est relevé avec une intuition de génie : ce qui intéresse alors l’initiateur de cette faculté, ce n’est pas la machine, c’est ce dont elle est capable au service de la gestion de l’entreprise ou de l’administration. Et la suite lui donne raison : l’originalité de sa création sera à travers la rigueur de la science de la programmation, des bases de données, de permettre la réflexion sur l’impact de cette science nouvelle tant sur la gestion des entreprises que progressivement sur la société et en définitive l’Homme.
C’est à cette époque que je fais la connaissance de R.-Ferdinand Poswick, qui, avec un autre de mes prédécesseurs, le R.P. Jacques Berleur, fonde d'abord les Journées de Réflexion sur l'Informatique (1982ss), puis le JRI (Journal de Réfexion sur l’informatique). L’impulsion est donnée: l’Informatique sous tous ses aspects envahit les programmes tant de recherche que d’enseignement de notre université: au diplôme en droit et gestion des technologies de l’information, succèdent le diplôme en Informatique et Innovation, le Business and Analysis of Governance of Information, le master en Système d’information, le master en Sécurité des systèmes d’information et, demain, l’option en Data Sciences commune aux Facultés des sciences, de gestion et d’informatique. Cette approche tant disciplinaire qu’interdisciplinaire de la technologie marque l’originalité de l’action namuroise. Les spin-off se créent, les programmes de recherche se multiplient.
Namur devient peu à peu la capitale des technologies de l’information : elle abrite le cluster des entreprises oeuvrant en la matière: à la faveur des projets FEDER, se crée le TRAKK, l’informatique musicale y prend droit de cité, l’agence du numérique s’y crée et la ville devient un modèle de Smart City. Il ne manquait plus à ce palmarès de la ville qu’un musée de cette technologie. Aujourd’hui c’est chose faite: NAM-IP.
Que dire de plus si ce n’est rendre grâce à vous messieurs, mesdames, de l’association NAM-IP qui, certes grâce à l’aide de la Fondation Roi Baudouin, avez, avec l’obstination qui vous caractérise, donné à notre ville ce lieu du souvenir de la puissance de l’intelligence humaine pour en suivre les progrès et nous rappeler cette aventure profondément humaine de la conquête de la technologie. Vous nous avez invité à former un vœu: que cette technologie continue à être maîtrisée par l’Homme et à son service. Que votre vœu soit entendu !
Yves Poullet, Recteur de l’Université de Namur