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NAM-IP Infos 2017/1 – Préservation
L’Osborne 1, l’aventure du premier PC portable

L’histoire

Ceci est l’histoire étonnante d’un produit de ce que nous appelons aujourd’hui une start-up innovante.

Adam Osborne avait revendu en 1979 sa société d’édition spécialisée dans le domaine des ordinateurs à McGraw-Hill. Avec l’argent récolté, il fonda la société Osborne Computer Company près de San Francisco, au début de l’extension de cette fameuse «Silicon Valley». Il engagea un spécialiste, Lee Finkelstein, pour réaliser son idée.

 

Son idée: Si les premiers micro-ordinateurs (pouvant tenir sur un bureau et accessibles au grand public) dataient du début des années 70, avec notamment l'Altair 8800, aucun, mis à part quelques précurseurs très peu connus, n'était conçu pour être déplacé. Il y avait donc un besoin à couvrir, besoin venant de représentants commerciaux de sociétés, amenés à se déplacer en clientèle.

 

L’équipe conçut alors l'Osborne 1 qui était pensé pour cet usage: son clavier servait également de couvercle avec poignée intégrée et il se transportait comme une valise. Avec 11 kg, il s'agissait effectivement d'un bagage correspondant à une valise de voyage. Évidemment, il ne comportait pas de batterie, c’eût été trop lourd.  Il était donc nécessaire de le brancher à chaque utilisation. Le système fut construit en 1981 et il était disponible dès l’annonce en mai 1981.

 

Vendu 1.750 $, soit 4.773 $ actuels, la machine était relativement bon marché: l'IBM System/23 Datamaster, sorti la même année, coûtait par exemple environ 27.000 $ actuels. Les premiers mois les ventes montèrent en flèche. En un trimestre, la Osborne Computer Company engrangea son premier million de dollars de ventes. En douze mois, 120.000 unités furent écoulées pour 73 millions de $ de chiffre d'affaires!
L’entreprise fut dépassée par son succès. Elle dut engager près de 3.000 employés et louer un building pour les caser. En 1982, la production atteignit son sommet avec 500 unités par jour! Mais cela se fit au détriment du contrôle de qualité.

 

Caractéristiques techniques de l’Osborne 1

Caractéristiques du matériel

 Plus "transportable" que "portable" donc, l'Osborne 1 disposait d'un écran cathodique de 5" = 12,7 cm, soit la taille moyenne d'un écran de smartphone en 2016, mais en nettement moins élaboré! L'affichage monochrome des caractères se faisait sur 24 lignes et n'autorisait que 52 colonnes au maximum par ligne. Malgré cette contrainte, il était possible de taper du texte sur le clavier QWERTY. Il disposait de deux unités de disques souples (182 K en double densité) et s’articulait autour d’un processeur Zilog Z80 cadencé à 4 Mhz et de 64 KB de RAM. Il avait un port parallèle pour connexion d’une imprimante et un port série pour connexion d'un modem. Ce portable était suffisamment solide que pour résister à une chute pas trop violente.

 

Caractéristiques du logiciel

Osborne 1 était vendu avec une suite logicielle incluse: l
- le système d'exploitation CP/M, avec le langage BASIC, deux standards de l’époque;
- WordStar, un des premiers logiciels de traitement de texte;
- SuperCalc, qui sera ensuite remplacé par Multiplan pour le traitement des tableaux.

Il est fascinant de voir que ces travaux pouvaient se dérouler avec une mémoire aussi petite!

 

La concurrence

 Elle n’était pas négligeable: Kaypro Computer offrait dès 1982 et presque au même prix un portable tournant sous CP/M et avec des logiciels inclus. Il offrait même un écran plus large, de 9" = 22,9 cm. Il était un dérivé de leurs instruments de mesure, dont il avait d’ailleurs le «look» et la caisse métallique. À côté de cela, deux PC «de table» annoncés en 1981 allaient attirer une grande partie de la clientèle: l’IBM PC, bien plus rapide et garanti par une société déjà dominante sur le marché des ordinateurs et Apple qui proposait une offre alternative, avec un matériel original et son logiciel propre bien adapté à certaines applications. Enfin, Compaq (COMPatibility And Quality)sortit en 1982 un portable compatible IBM PC .

 

 Une erreur marketing fatale

 Au cœur de son succès, et sans doute pour répondre aux critiques concernant son PC, Adam Osborne annonçait aux journalistes, en début 1983, le remplaçant du Osborne 1. C’était l'Executive model OCC-2. L’Executive avait des performances annoncées deux fois supérieures à l’Osborne 1. Les nouveaux modèles annoncés corrigeaient aussi quelques défauts du précédent et comportaient un système de ventilation.

Peu après, A. Osborne annonçait le Vixen, encore mieux positionné vis-à-vis de la concurrence.

Mais les nouveaux modèles n’étaient pas disponibles! Les clients différèrent alors leur achat d'ordinateur Osborne ou se tournèrent vers des machines concurrentes. Cet effet, appelé plus tard "Effet Osborne", eut pour conséquence un effondrement brutal des ventes et des rentrées d'argent de l'entreprise. Les stocks s’amoncelèrent, les prix furent bradés: jusque 995 $ en août 1983 pour le fameux Osborne 1!
La situation financière s’était détériorée tellement vite que l'Osborne Computer Company fut déclarée en faillite le 13 septembre 1983.
À noter que selon certains économistes, l’Effet Osborne ne fut pas la seule cause de cet échec cuisant. Une mauvaise gestion et une qualité des produits en baisse furent aussi des causes probables, mais pas des causes expliquant un effondrement aussi rapide. Osborne lui-même reconnut par la suite des fautes de gestion.

 

Après la faillite

Quand la faillite devint évidente, une réunion de l’ensemble du personnel cadre de l’entreprise fut convoquée. À l’issue de cette réunion, seuls les membres du marketing international restèrent dans la compagnie.
Le 22 septembre, 10 jours après la déclaration de faillite, un groupe de 24 investisseurs s’opposèrent à la déclaration de faillite et recherchèrent des moyens de se faire dédommager en accusant divers directeurs de «délits d’initiés» concernant les actions du groupe. Adam Osborne réussit à sortir de l’état de faillite en 1984, et produisit le Osborne Vixen prévu dans ses plans: un portable compact. Hélas, sa compagnie ne réussit pas à imposer son produit comme ce fut le cas pour l’Osborne 1.

Dans un dernier effort, Adam Osborne tenta de produire un PC totalement compatible IBM, mais trop tard. La banqueroute de sa société était devenue incontournable. Les droits d’utilisation du nom «Osborne» furent rachetés par un constructeur finlandais de PC: Oy Mikrolog Ltd, lequel fabrique pour son marché domestique divers ordinateurs et accessoires (selon l'nformation disponible début 2017).

Gilbert Natan