▲ NAM-IP/Infos

NAM-IP Infos 2017/2 – Recherche
Intelligence Artificielle:
un rapprochement étrange entre Blaise Pascal et Marvin Minsky

Pour conclure la 7ème partie de son livre sur l'histoire des recherches en Intelligence Artificielle, et quand il parle plus particulièrement des développements de ces recherches après les années 1980, Nicolsson [voir le compte rendu de ce livre dans la présente livraison de NAM-IP/INFO] évoque longuement des propos repris au livre de Marvin Minsky Society of Mind (1988) [traduit en français en 1988 chez Inter-Édition à Paris sous le titre La Société de l'esprit].


Marvin Minsky pense qu'une

«telle société serait composée d'un grand nombre d'agents simples qui n'ont aucun la capacité suffisante pour constituer «seul» une entité intelligente; mais une signification (ou un «esprit» ou une «conscience» - mind) émergerait de leurs comportements unifiés et de leurs interactions ... et cela devrait fonctionner comme une communauté scientifique» (p. 465).

 

Quel ne fut pas mon étonnement, alors que je relisais, comme je le fais périodiquement, les Pensées de Blaise Pascal ‒ [édition de Brunsvicg chez le Livre de Poche, lui l'inventeur de l'une des premières machines à calculer (la «pascaline», dont on parle systématiquement quand on décrit l'histoire de l'informatique)] – de tomber sur 3 «pensées» qui jusqu'ici ne m'avaient pas frappées.

Je les cite dans l'ordre où elles sont publiées dans l'édition mentionnée ci-dessus:

 

 Qu'on s'imagine un corps plein de membres pensants (473/167, p. 216).

 

 Membres. Commencer par là – Pour régler l'amour qu'on se doit à soi-même, il faut s'imaginer un corps plein de membres pensants, car nous sommes bien membres du tout, et voir comment chaque membre devrait s'aimer (474/265, p. 216).

 

 Si les pieds et les mains avaient une volonté particulière, jamais ils ne seraient dans leur ordre qu'en soumettant cette volonté particulière à la volonté première qui gouverne le corps entier. Hors de là, ils sont dans le désordre et dans le malheur; mais en ne voulant que le bien du corps, ils font leur propre bien (475/265, p. 216).

 

Sans pouvoir me comparer à ces deux propositions, dans une réponse à Gilbert Natan (NAM-IP/INFO, 2016/2) à propos de l'Intelligence Artificielle, j'incluais dans mes conclusions le fait «qu'il faut trouver... dans le domaine du «relationnel»... les pistes d'une vraie progression tant de la conscience [un des caractères spécifiques de l'intelligence vraiment humaine] que des prothèses électroniques qui permettront un développement de l'humanité selon sa spécificité».

Je pense qu'il s'agit là de trois expressions d'une même réalité telle que peuvent l'appréhender différents types d'intelligences dans le temps et à des niveaux différents, à condition d'accepter que, sur base d'une réflexion critique, on puisse prendre en compte la part d'intuition et d'imaginaire qui font intégralement partie de l'intelligence humaine. Sur le fonds, cette vision d'un «corps» dont tous les composants sont «intelligents», et, pour leur bien, doivent se mouvoir dans une relation positive avec l'ensemble du corps (et donc de proche en proche avec les autres éléments du corps), me semble constituer une vision humainement riche et techniquement prometteuse! Sommes-nous là au seuil ou aux fondements de la nouvelle éthique exigée par la culture du «tout numérique»?

 R.-Ferdinand Poswick