Ce livre se présente un peu comme la suite du volume Sapiens paru en France en 2015 et tout entier consacré à une relecture de l'histoire de l'évolution de la planète sous la pression du grand singe prédateur qui deviendra intelligent et conscient. Harari est un bon anthropologue, il connaît la paléontologie mais également l'histoire des cultures dont il tente de tirer des enseignements pour présenter l'homo sapiens d'aujourd'hui.
Avec Homo deus, il reprend les mêmes données et les soumet aux phénomènes d'accélération de l'histoire que nous vivons sous la pression des technologies de l'information. Il met notamment en lumière le fait que, selon sa vision, l'Humanisme qui a mis l'humain au sommet de la pyramide de l'évolution (et les religions monothéistes ont favorisé cette vision), pourrait être une illusion. Il n'est donc pas impossible que l'homo sapiens soit englouti et dissout dans la nouvelle religion du «dataïsme»: l'univers entier n'est qu'un flux de data; les algorithmes des intelligences artificielles en cours de conception et de mise en
œuvre pourront bientôt absorber toute la singularité du sapiens et le connaître mieux que lui-même; l'intelligence se découple de la conscience.
Il termine son livre en se demandant, notamment:
«1. Les organismes ne sont-ils réellement que des algorithmes, et la vie se réduit-elle au traitement des données?
2. De l'intelligence ou de la conscience, laquelle est la plus précieuse?
3. Qu'adviendra-t-il de la société, de la politique et de la vie quotidienne quand les algorithmes non conscients mais hautement intelligents nous connaîtrons mieux que nous nous connaissons?» (p. 427).
À cette position assez ambiguë et décourageante, malgré les interrogations finales évoquées, nous préférons la vision proposée par Teilhard de Chardin qui privilégie, dans la ligne de cette tradition dite «humaniste», une prise en main par l'homme de sa propre destinée (et donc de l'avenir de l'humanité), mais sous l'attraction consciente et comme sous l'aimantation d'une force d'unification qui lui donnera une croissance fonctionnelle tant biologique qu'en terme de conscience, comme il le dit dans
Le Phénomène humain (1947, 1955): «Nous avons certainement laissé pousser jusqu'ici notre race à l'aventure, et insuffisamment réfléchi au problème de savoir par quels facteurs médicaux et moraux
il est nécessaire, si nous les supprimons,
de remplacer les forces brutales de la sélection naturelle.» (p. 314).
R.-Ferdinand Poswick