▲ NAM-IP/Infos

NAM-IP Infos 2018/3 – Comptes rendus

 «J'aurai 20 ans en 2030»: lectures!

Plusieurs ouvrages ont été publiés à l'occasion de l'exposition «J'aurai 20 ans en 2030», qui s'est tenue à la gare des Guillemins, à Liège, de septembre 2017 à juin 2018 et dans laquelle était exposée une pièce de la collection du Fonds Informatique Pionnière en Belgique.

Le catalogue de l'exposition

disponible en français et en néerlandais: Expo «J'aurai 20 ans en 2030», septembre 2017. Expo «Ik zal 20 jaar oud zijn in 2030», septembre 2017.

Il apparaît avant tout comme un ouvrage-souvenir pour les visiteurs qui se sont rendus sur place. Après une brève entrée en matière reprenant les propos de René Schyns (commissaire général de l'exposition), Alain Mager (administrateur délégué d'Europa 50), et du Professeur Albert Corhay (recteur de l'Université de Liège), l'ouvrage aborde les différentes sections du parcours, reprenant les textes figurant dans les salles successives. Des images de la scénographie complètent le contenu. Le travail éditorial manque de soin, notamment au niveau de la qualité des photographies.

 

 P. LECRENIER, J'aurai 20 ans en 2030, question(s) d'avenir(s), Liège, 2017, 80 p. ISBN 978-2-87562-139-9

Publié aux presses universitaires de Liège, cet ouvrage, allant plus loin que l'exposition, propose des pistes de réflexion sur l'utilisation des technologies et les impacts qu'elles pourraient avoir sur la vie future dans de nombreux domaines: intelligence artificielle, exploitation des ressources et transition énergétique, digitalisation des données, transhumanisme, alimentation, sécurité et surveillance, espace et recherche de vie extraterrestre, réalité virtuelle… Pour chaque thème abordé, des chercheurs de l'Université de Liège, partenaire de l'exposition, s'expriment selon leur domaine d'expertise (politologie, sociologie, sciences informatiques, gestion, neuropsychologie, histoire, philosophie, droit, médecine, agronomie, géographie, astrobiologie…). Dans sa préface, A. Corhay explique l'intérêt du public pour l'avenir, «car nous n'aimons pas les incertitudes et nous voulons nous préparer à ce monde qui vient». Cette synthèse, pluridisciplinaire et concise, pose donc quelques-unes des grandes questions qui interpellent sur le futur technologique et se présente comme une prolongation de l'exposition, mais aussi comme un outil indépendant de celle-ci.

2030 est peu éloigné de nous, beaucoup d'avancées scientifiques, qui s'immisceront dans notre quotidien au cours des prochaines décennies, sont déjà ébauchées aujourd'hui. Ces avancées peuvent être perçues avec méfiance, en raison de leurs conséquences éventuellement sous-estimées ou des dérives qui sont susceptibles de les dévoyer. Mais elles peuvent également être vues avec optimisme si l'attention se porte sur l'amélioration de la société possible grâce à leur mise en place.

Par exemple, l'Intelligence artificielle va-t-elle tuer le travail ou libérer de la main d'œuvre pour de nouveaux métiers? Les big data sont devenues indispensables au fonctionnement de notre société (industrie, recherche…). Elles offrent des opportunités telles que la démocratisation du savoir grâce à l'open access dans le domaine universitaire, mais les moteurs de recherche et l'approche transversale qu'ils permettent accentuent le prélèvement d'informations hors de leur contexte original et donc de la pensée de l'auteur, avec le risque de déformation de celle-ci. Par ailleurs, les big data sont énergivores et l'utilisation des données collectées soulève parfois des questions de droit et d'éthique.

 Les nouvelles technologies améliorent le confort quotidien, mais amènent à une consommation croissante des ressources pour répondre à la demande. Elles doivent donc s'accompagner du développement d'une économie circulaire à court terme, incluant une systématisation du recyclage, mais sans oublier que celui-ci consomme également de l'énergie et qu'il est insuffisant pour répondre à l'ensemble de la demande.

Dans le domaine médical, le transhumanisme (manipulations géniques, exosquelettes, impression d'organes en 3D, connexion du corps à la machine, etc.) pourrait guérir des personnes atteintes de maladies aujourd'hui incurables, mais ces avancées pourraient aussi être exploitées dans le domaine militaire, à des fins de manipulation ou de destruction.

La voiture autonome pourrait améliorer la fluidité du réseau routier, par la gestion des itinéraires de ces véhicules à travers un système GPS global, mais les problèmes qu'elle pose, en terme d'interaction avec un environnement aléatoire, comme un centre urbain par exemple, sont complexes à résoudre.

Les outils de surveillance de la population sont multipliés (caméras, bracelets électroniques, objets connectés, applications et réseaux sociaux) au nom de la sécurité et de la transparence, mais limitent de plus en plus la liberté des individus, dont la plupart ne sont pas réellement dangereux.

L'exploration de Mars et la colonisation de l'espace représentent des défis concernant la survie des astronautes dans les vols habités de longue durée (radiations, développement de maladies, gestion des ressources), mais franchir cette étape ouvrirait de nouveaux horizons, y compris pour améliorer la vie sur terre (optimisation des denrées alimentaires et de l'eau, lutte contre l'ostéoporose, amélioration des performances des panneaux solaires…). La conquête spatiale favorise aussi la coopération internationale et la paix sur notre planète.

Chaque innovation peut présenter un double visage. Afin d'éviter autant que possible de subir les aspects négatifs, une réflexion systématique, un débat politique et démocratique sont nécessaires pour anticiper les conséquences et ne pas se laisser surprendre par elles. La mise en place de cadres légaux, déontologiques devrait être une priorité, afin d'aborder plus sereinement les développements scientifiques futurs.

J'aurai 20 ans en 2030, question(s) d'avenir(s) est donc un ouvrage à conseiller pour le lecteur qui s'intéresse aux perspectives de notre société à moyen terme. Il apporte des informations utiles pour alimenter le débat public sur le développement scientifique et technologique, mais aussi concernant des questions éthiques et sociétales, telle que l'évolution de la perception de l'animal (dans la recherche scientifique, dans l'alimentation), les mouvements migratoires, la nécessité d'une approche moins nocive de la production agricole, les questions de mobilité, ou l'utilité de villes plus durables, plus vertes et intelligentes, notamment face aux changements climatiques et à la surpopulation.

Carine Mahy