Un livre complexe sur la complexité !
Il procède de la juxtaposition des textes et annexes d’un cycle de 6 conférences dont les 53 écrans power-point d’illustrations sont insérés en couleur sur papier glacé entre les chapitres 5 et 6 (pp. 158-159). Nota Bene : ces « illustrations » sont parfois plus parlantes que le texte correspondant ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Est-ce pour cela que parmi les mots inventés par l’Auteur il crée « simplexité » comme parallèle et contraire à la complexité des lois de création, de développement et de maintenance des ensembles électroniques sans lesquels rien de nos utilisations numériques ne serait possible !
Sous l’aspect purement éditorial, on peut regretter un nombre anormal de fautes, visiblement oubliées à la relecture d’épreuve ! Dommage ! Cela ajoute de la « perplexité » à la « complexité » !! Dommage, car Jacques Printz, ancien professeur au CNAM et grand promoteur de la pensée de Teilhard de Chardin, nous fait toucher du doigt que l’artificiel n’existe qu’incarné dans des supports physiques qui ont leurs lois propres dont les algorithmes et « data » doivent tenir compte ! Beaucoup de remarques de « bon sens », ce « bon sens » qu’aucun programme d’intelligence artificielle n’est capable d’acquérir (car le « bon sens » est lié à la « conscience »!). En effet, « ce n’est pas Deep Blue qui a vaincu Kasparov, ce sont les programmeurs qui ont programmé cette machine IBM. Voilà ce qu’il ne faut jamais oublier! » (p.48).
L’auteur le dit clairement (pp.327-328) : « Le bon sens est la chose la plus difficile à modéliser, et, à vrai dire, on ne sait pas aujourd’hui le modéliser » !
Si les présentations de Printz sont complexes et mêlent de nombreuses disciplines, on peut se rallier à son jugement général : « Nul doute que la Transition fulgurante (titre d’un des livres de la trilogie de Pierre Giorgini) qui sera le défi du XXIe siècle est l’équivalent d’un séisme psychosocial qui va bouleverser toutes nos sociétés et nos cultures. Raison de plus pour faire le pari de l’éducation et de la qualification, au sens large du terme, car c’est le seul moyen pour préserver notre liberté de jugement, pour éviter le relativisme et la crédulité aveugle qui sont le terreau des idéologies mortifères, ou plus trivialement celui des charlatans, fussent-ils masqués sous un discours technoscientifique, et fonder la « maison commune » sur une base saine. Dans ce pari éducatif, la science des limites et des limitations, la science de l’intégration et de l’émergence, c’est-à-dire la systémique, la 5e discipline de nos collègues anglo-saxons, fondement des sciences de l’information, font partie du kit de survie pour le voyageur du cyberespace et du 3e infini de la complexité » (pp. 287-288).
Un livre difficile à lire, mais stimulant ! Avec des renvois à n’en plus finir vers des sites internet dont on n’a aucune sécurité qu’on retrouvera la trace le jour où on aura vraiment besoin de s’y référer !… Cette nébuleuse du « cloud » est-elle vraiment le réservoir de la science et de la pédagogie ?
R.-Ferdinand Poswick