L'informatique est partout…
Voilà plus de vingt ans que l’informatique et plus globalement la culture numérique a investi et changé nos habitudes à plusieurs niveaux que ce soit dans les modes de communication, dans la gestion du travail, sans la culture et, plus récemment, dans les pratiques pédagogiques. Les outils informatiques tels que le smartphone, la tablette et l’ordinateur sont également devenus en quelques années des objets de consommation courante distribués très largement dans les grandes surfaces au même titre que des articles de la vie quotidienne.
L’outil informatique est aussi bien utilisé pour travailler, écrire, communiquer, se divertir, que s’informer. Chacun sait ce qu’est un ordinateur, à quoi il ressemble, à quoi il sert et ce, même s’il n’en maîtrise que très partiellement les fonctionnalités. Sans distinction sociale, géographique, religieuse, ethnique ou culturelle. L’ordinateur ou plus précisément l’informatique (ou culture numérique) est partout!
Et dans l’école
La Région Wallonne a pris conscience de cette évolution. Depuis les plans Cyberécoles (1997-2000), Cyberclasses (2006-2012) et plus récemment les 3 appels à projets École numérique (2012), 200 établissements scolaires se sont déjà équipés en matériels divers allant de la tablette au TBI (tableau blanc interactif) en passant par les projecteurs, les ordinateur [École Numérique en actions, Éditions SPW, Direction Générale Opérationnelle de l’Économie, de l’Emploi et de la Recherche].
L’informatisation des établissements scolaires en Wallonie à l’instar des pays de l’OCDE vise essentiellement à l’amélioration de la qualité de l’enseignement, la lutte contre la fracture numérique et la formation des élèves pour leur donner les compétences indispensables à leur réussite sur le marché de l’emploi. La maîtrise des outils numériques constitue une condition sine qua non à l’insertion professionnelle. Même dans les métiers manuels, l’utilisation des TIC est en progression continue.
Les TIC favorisent par ailleurs l’acquisition d’une série de compétences et donnent aux élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage la possibilité de compenser leurs déficiences motrices ou cognitives.
Le cas particuliers des troubles de l’apprentissage
L’apport de l’informatique aux enfants avec des difficultés d’apprentissage est indéniable [Assistive Technology for Children with Learning Difficulties, Schwab Foundation for Learning (2nd Edition)]. Les enseignants sont régulièrement confrontés à des situations où les apprenants sont en souffrance à cause de troubles cognitifs appelés également troubles spécifiques et durables des apprentissages (TSA). Les spécialistes [Guilloux (2009). L’effet Domino "DYS"] classent ces troubles (appelés communément DYS) en trois catégories, à savoir les troubles du langage (dyslexie, dysorthographie, dysphasie); les troubles de praxie (dyspraxie); les troubles mnésiques attentionnels (troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDA/H]). Statistiquement 10 à 15% des enfants en âge scolaire sont concernés par les "dys" pendant toute leur vie scolaire, situation qui aura des répercussions dans leur vie d’adulte. Les élèves présentant des troubles spécifiques des apprentissages (TSA) éprouvent d’énormes difficultés à se concentrer ce qui provoque une agitation et une perturbation des apprentissages qui peut vite aboutir à des problèmes de comportement conduisant à une stigmatisation de ces élèves. Mais la plus grande souffrance de ces enfants reste souvent silencieuse. Face aux regards de leurs camarades et parfois même des adultes qui les encadrent, ils manquent d’estime de soi et finissent par se désintéresser du travail scolaire. Ces situations sont à l’origine d’absentéisme et de décrochage scolaire.
Les nouvelles technologies (ordinateurs, tablettes ou iPad), présentes de plus en plus dans les écoles, constituent une des solutions en faveur de l’adaptation des apprentissages aux enfants DYS. L’utilisation de l’outil informatique renforcera la motivation des élèves. Au-delà de la curiosité et de l’attrait que ressentent les enfants d’aujourd’hui vis-à-vis de tout ce qui est informatique, l’ordinateur les aide à compenser leurs faiblesses qu’ils soient dyslexiques, dysphasiques ou dyspraxiques.
Avec l’outil informatique, les enfants exécutent, avec plus de facilités, des tâches telles que l’écriture, la lecture, le dessin, la rédaction mais arrivent également à augmenter leurs facultés de concentration et ainsi à mieux s’organiser et organiser leur espace de travail. Encore faut-il que l’enseignant dispose des différentes clefs pour utiliser cet outil dans les meilleures conditions.
Que des avantages?
Si l’informatique présente bien des avantages, elle recèle également des inconvénients auxquels les scientifiques s’intéressent de plus en plus. Le philosophe Bernard Stiegler [L’éducation à l’âge du numérique, Cités, 63, 2015] de l’association Ars Industrialis présente notamment le numérique comme un pharmakon – un poison et un remède. On voit régulièrement émerger les bienfaits (aide à l’apprentissage, accès à l’information, facilité de communication à travers le monde) et la toxicité (retard du développement de la coordination mentale, perte de contact social, accoutumance, etc) de cet outil.
Les digital natives ont grandi avec le numérique ce qui influence leur façon de penser et de communiquer et il est donc important, pour les établissements scolaires, d’encadrer ces jeunes de manière optimale pour qu’ils puissent bénéficier du remède sans subir la toxicité du numérique?
Et le NAM-IP dans tout ça?
C’est dans le cadre de la formation des enseignants à l’outil informatique, de la compréhension de l’utilité mais aussi de la toxicité de cet outil que la synergie entre un musée de l’informatique tel que le Computer Museum NAM-IP et les établissements scolaires prend tout son sens. Comme le souligne Sébastien Berry dans son article De l'informatique pédagogique et de sa place dans un musée de l'informatique et de la société numérique, le lien entre pédagogie et informatique est primordial.
Au-delà de son rôle de préservation et de mise en valeur d’un patrimoine informatique, le NAM-IP veut jouer un rôle de premier plan dans la réflexion à mener avec les élèves et leurs enseignants sur la place du numérique dans notre quotidien. Qu’il s’agisse de pédagogie de l’informatique ou de l’informatique pédagogique, l’accompagnement des élèves et la formation des enseignants restent encore des grands chantiers.
L’exploitation de l’ordinateur et du numérique comme outils pédagogiques est un véritable projet pour les parties prenantes : les élèves, les enseignants, les directeurs, les concepteurs et, dans le cas de l’enseignement spécialisé, le personnel médical et paramédical en charge du suivi des enfants concernés.
L’intégration de l’informatique aux pratiques pédagogiques peut par ailleurs prendre plusieurs formes depuis l’éducation à l’éthique numérique jusqu’à l’apprentissage d’un langage informatique. Pour assurer la réussite d’un tel projet, les compétences en matière d’encadrement des élèves doivent être réunies afin de prendre en compte les aspects psychologique, technologique et didactique de cette intégration.
La formation des enseignants reste un obstacle important à surmonter. Les départements pédagogiques des hautes écoles ne disposent, à ce jour, d’aucun cursus sur les utilisations pédagogiques de l’informatique [Voir cependant la réflexion encourageante amorcée par l’Université de Namur: Anabella Klein, Nos jeunes à l’ère numérique, dont un compte rendu a été donné dans le NAM-IP/INFO 2017/2]. L’équipement des écoles en matériel adéquat est une charge très lourde pour les établissements scolaires. Et même si le Gouvernement Wallon a consenti des efforts importants dans le cadre du projet "École numérique", des disparités significatives existent entre les différentes écoles de la FWB.
Et concrètement
Une cellule pédagogique a été mise en place au NAM-IP le 7 juin dernier. Les volontaires de cette structure sont essentiellement des enseignants. De la didactique des sciences et des mathématiques aux cours à option dans l’enseignement technique de transition et technique de qualification (informatique, électronique, électromécanique, etc), un large panel de disciplines est ainsi couvert.
La mission principale de cette cellule pédagogique est claire: la conception de divers ateliers pour l’accueil d’enfants à partir de l’âge de 6 ans dans le cadre des NAM-Lab organisés à l’occasion des activités extrascolaires les mercredis après-midis et pendant les congés scolaires.
Pour une exploitation optimale de l’exposition permanente du musée "Aux sources du numérique, des machines qui comptent", les volontaires du NAM-IP s’attellent également à la préparation de dossiers pédagogiques pour les différents niveaux scolaires.
Une attention particulière sera portée aux enfants souffrant de troubles spécifiques et durables des apprentissages (TSA). Ces enfants relèvent généralement de l’enseignement spécialisé de type 1 (retard mental léger) et type 8 (DYS et troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité).
Gageons que la mise en place de ces ateliers et l’élaboration de ces dossiers pédagogiques permettront au NAM-IPI d’apporter sa contribution à l’indispensable synergie entre informatique et pédagogie.
Amal Mahious